Par Youssef Aït akdim, Jeune Afrique, 29/10/2013 à 18:35
Disparu le 27 février, l’auteur d' »Indignez-vous » ! aurait eu 96 ans le 21 octobre. Ses amis se sont retrouvés à cette occasion…
À la question « Quelle épitaphe pour résumer votre vie ? » Stéphane Hessel avait une réponse : « Ci-gît un homme heureux, et qui remercie la vie. » Cette anecdote, et bien d’autres, figure dans le livre de témoignages que vient de publier Gilles Vanderpooten (Stéphane Hessel, irrésistible optimiste, éd. de l’Aube, octobre 2013.) pour le 96e anniversaire de la naissance de l’auteur d’Indignez-vous ! À l’occasion de la parution de cet ouvrage et de la projection d’un documentaire, ses amis se sont réunis le 21 octobre à la Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Le même jour, une place au nom de Stéphane Hessel a été inaugurée dans le 14e arrondissement, en présence de Bertrand Delanoë, le maire de Paris, et de quelques VIP : Christiane Hessel, bien sûr, la veuve du grand homme, Pascal Cherki, le maire de l’arrondissement, Leïla Chahid, l’ambassadrice de la Palestine à Bruxelles, Souhayr Belhassen, ancienne présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le comédien Guy Bedos, le philosophe Edgar Morin, Yves Guéna, ancien président de l’Institut du monde arabe, Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, et bien d’autres.
Sur la plaque dévoilée par Bertrand Delanoë, on peut lire : « Place Stéphane-Hessel (1917-2013), ambassadeur de France, résistant, déporté, défenseur des droits de l’homme ». On aurait pu ajouter : « poète à ses heures perdues ». Au mois de mars, l’écrivain et journaliste Jean Lacouture a rendu dans Jeune Afrique un hommage à son ami Stéphane Hessel. Il y a rappelé ce trait de la personnalité de l’ancien résistant qui a marqué tous ceux qui l’ont côtoyé : il était un grand amateur de poésie, un amateur généreux. Il avait coutume d’accueillir ses visiteurs de sa belle voix grave, aux inflexions si caractéristiques : « Ah, mes amis, quel plaisir de vous revoir ! Un petit Rimbaud ? »
Inauguration de la place Stéphane Hessel, le 21 octobre.
De g. à dr. Bertrand Delanoë ; maire de Paris, Anne Hidalgo,
première adjointe et Christiane, veuve du disparu. © Vincent Fournier pour J.A.
L’un de ses compagnons de route, l’ingénieur Thierry Salomon, se souvient d’un voyage en avion qui les ramenait d’une mission de dialogue et de réconciliation au Burundi : « À 9 000 m d’altitude […], un jeune homme tout juste octogénaire se mit alors à réciter, sans une once d’hésitation, son petit Rimbaud, les cent vingt-huit vers du Bateau ivre. » C’est à ce résistant iconoclaste, normalien et fils de poète que l’on doit certaines fulgurances aux heures sombres de l’Occupation de la France. Toute sa vie, Hessel a développé un goût du bon mot qui, par exemple, lui a permis de tenir le coup à Buchenwald. Il est l’auteur de certains des messages codés que la BBC diffusait pendant la Seconde Guerre mondiale à l’intention des combattants sur le terrain : « la lune est pleine d’éléphants verts », « Melpomène se parfume à l’héliotrope »…
C’est peut-être dans ce souffle d’écrivain, davantage que dans les avatars de la géopolitique, qu’il faut chercher les raisons du formidable succès des livres d’entretiens et des pamphlets de Stéphane Hessel. Indignez-vous ! s’est vendu à ce jour à 4 millions d’exemplaires et a été traduit en quarante langues. Le pouvoir d’entraînement des mots au service de causes justes, la mobilisation nécessaire contre le mal, qu’il s’agisse du totalitarisme nazi ou de l’apartheid… Voici peut-être le vrai testament de Stéphane Hessel, son message d’espoir. « Il ne faut jamais penser que l’horizon est bouché », disait-il.